CAROLINE FOUREST :
De mal en pis, et c'est dommage...
Avant j'aimais bien Caroline Fourest, mais c’était avant : depuis un bon moment elle tourne au disque rayé... Elle fut plus pertinente avec des analyses très fines sur l'extrême droite ou son combat contre l'homophobie. Depuis sa collaboration avec LCI, la chaîne de la droite « Béton et Figaro », et son engagement aux côtés du porte-coton de la Macronie Christophe Barbier dans l'hebdomadaire Franc Tireur, que l'homme à l'écharpe rouge (même en pleine canicule) présente comme un « pamphlet contre l'extrémisme, l'obscurantisme, le wokisme, les antivax et la cancel culture » depuis quelque temps déjà, Caroline Fourest, avec son universalisme à géométrie variable, m’a conduit à modérer mon engouement, que la lecture de l'article que voici a achevé :
Caroline Fourest reprend dans cet article tous les clichés de la bourgeoisie germanopratine macronisée, très offusquée qu'elle est de ne plus être l'arbitre des « élégances de gauche comme il faut ». Elle passe aujourd'hui son temps à fustiger la NUPES et LFI, trop populaires et tellement vulgaires, d'ailleurs traitées dans cet article de guesdistes le couteau entre les dents – ce qui n'est pas une insulte, mais un courant historique du socialisme ouvrier, sauf à faire un anachronisme historique . Elle reprend à son compte le refrain des deux gauches irréconciliables inventé par le grand philosophe internationalement trop connu Manuel Valls.
Quoiqu’en disent Valls et Fourest, c'est bien Jaurès qui a rassemblé les divers courants socialistes, dont les guesdistes. Ce fut sa grande œuvre. Caroline Fourest a donc, pour servir sa théorie fumeuse, de curieux oublis franchement coupables en ce qui concerne l’histoire de la gauche … Jamais les gauches n'ont été irréconciliables, et elle le sait très bien. C'est la grande leçon et l'héritage de Jean Jaurès le rassembleur, la grande leçon de 1936, de 1981 et 1997. À coller à la doxa vallssienne, la « combattante de la Laïcité » tourne à la « Mère supérieure du couvent de la Très Sainte Gauche dite Républicaine», quitte à réécrire l'histoire. Fourest et Valls sont en pleine cancel culture !
Voyons les autres arguments de Caroline Fourest :
Qualifier de « rescapée » une Première ministre renommée après une démission serait antisémite ? Le père d’Élisabeth Borne fut un rescapé de la Shoa, et Mme Borne est elle-même une rescapée de la politique, renommée par Macron après un échec électoral, comme si rien ne s'était passé aux élections législatives. En français, les mots ont un sens : que l'on soit rescapé(e) d'un naufrage maritime ou électoral, on est un ou une rescapé(e), en français dans le texte. Caroline Fourest serait-elle devenue un peu woke, de ceux qui aiment tant expurger le vocabulaire courant?
Dire que Macron a voulu « honorer Pétain » serait scandaleux ? C'est pourtant vrai, et de nombreuses associations juives ont vertement et à juste raison réagi en 2019. Que Macron honore le « grand soldat Pétain » et le distingue du « Pétain de 1940 » est scandaleux pour celui qui est en charge de la République. C'est simplement oublier que la République a condamné le « grand soldat » à la perte de tous ses titres et honneurs militaires. Lors de son procès en 1945, il fut frappé d’indignité nationale. Et c’est aussi oublier bien vite que cet antidreyfusard de Pétain fut de tout temps un antisémite viscéral, lecteur assidu de l'Action Française, et qu’il refusa de serrer la main du Général André qui avait prouvé « pour l'honneur de l'Armée », par une enquête minutieuse sous ses ordres, que Deyfus était innocent, ce qui permis sa réhabilitation. Drôle de façon de lutter contre antisémitisme !
Inviter Corbyn, injustement accusé d’antisémitisme « à titre personnel » et rétabli dans son honneur par le Labour lui-même, après des polémiques internes au Labour sur un antisémitisme systémique, serait un acte qui discréditerait les députées Obono et Simonet, et cela malgré leur présence aux commémorations du Vel d'Hiv ? Mais peut-on encore en France critiquer la politique de violence et de colonisation de l'extrême droite israélienne qui a été au pouvoir pendant une décennie sans se faire accuser antisémitisme? Condamner les colonies, la spoliation des terres palestiniennes, ou souhaiter un État pour les Palestiniens, serait être donc antisémite ? Alors une bonne partie de la gauche israélienne est antisémite si on suit la logique de Fourest.
Enfin, que Macron fricote avec le vicomte du Puy du Fou, trouve des qualités littéraires à Maurras ou reprenne il y a quelques jours le concept de « nation organique » fondateur du fascisme italien ne pose pas de problème, ne soit nullement dénoncé par Caroline Fourest, qui est une spécialiste reconnue de l'extrême droite française et européenne, me laisse interrogatif sur son objectivité et ses méthodes de travail de journaliste.
Macron est pourtant abonné à la banalisation coupable de l'extrême droite. N'a-t-il pas à l'occasion des dernières législatives, sur le tarmac devant son avion avant de faire sa grande tournée diplomatique, tiré un signe égal entre la NUPES et le RN? A-t-il lancé, lors du second tour des législatives, « Pas une voix aux candidats RN ? Non, trois fois non ! S’ensuivirent une cacophonie au gouvernement et à Ensemble, et un lourd silence à l'Élysée. Silence d'autant plus coupable que les thuriféraires de ce même Macron et la presse « main stream » avaient trouvé Mélenchon pas assez clair, bien qu’il ait répété trois fois au soir du premier tour de la présidentielle « Pas une voix au RN » !
Beaucoup de gens de gauche qui comme moi ont voté Macron pour faire barrage à Marine Le Pen se sont sentis « cocus » et « pas vraiment contents » face au spectacle de ce président qui a fait la courte échelle au RN aux législatives. Une claque que beaucoup ne sont pas prêts d'oublier. Ce fut « silence radio » chez les soi-disant « républicains de gauche » comme Caroline Fourest et quelques autres comme le « Printemps républicain » alors que Macron et Ensemble venaient d'enterrer le Front Républicain qui, malgré un certain essoufflement, avaient permis à Macron d'être élu Président de la République six semaines auparavant, et d’ éviter il y a quelques mois que quatre ou cinq régions ne tombent dans l'escarcelle du RN. Excusez du peu !
Cela n'a rien d'anecdotique, c'est une rupture politique majeure. Rupture qui a donné une grande partie de ses 89 députés au RN, à la plus grande surprise de Marine Le Pen et de la direction du RN. Une « divine surprise » aurait dit Maurras en d'autres temps. En réalité, un choix politique de Macron pour éviter une trop forte poussée de la NUPES, une stratégie politique à court terme dramatiquement irresponsable, mais voulue et pensée comme telle par la start-up macroniste. La forme moderne de « après moi le déluge » d'un Louis XV finissant, et aujourd'hui d'un président non rééligible.
Le dernier clou dans le cercueil du Front Républicain a été l’élection de deux vice-présidents RN à l'Assemblée Nationale avec les voix des macronistes d'Ensemble, alors que rien ne justifiait que le RN obtienne deux vice-présidences, une seule eut été bien suffisante et bien assez républicaine. Aucune réaction là non plus de la « gauche républicaine en pantoufles » . Ces nouveaux tartuffes passent tout à Macron et à Ensemble, et préfèrent utiliser leur énergie à diaboliser la NUPES en général, et LFI en particulier, en utilisant les pires éléments de langage fournis par les cabinets de communicants de la Macronie.
On a connu Caroline Fourest mieux inspirée, et plus combative contre l'extrême droite qui, ne lui en déplaise, reste raciste et antisémite. Simplement, dans le discours de l’extrême droite, « le météque" et « le juif »" chers à l'Action Française ont été remplacés par « l' arabe » et « le musulman » si chers à l'OAS. C'est ce vieux fonds de commerce rance qui a été ripoliné par le Marinisme actuel. J'en veux pour preuve le discours du doyen d'âge du RN prononcé pour ouvrir la mandature, et ses commentaires odieux sur l'OAS et la guerre d'Algérie qui ont suivi et n’ont été nullement désavoués par Marine Le Pen et ses sbires.
J’en veux aussi pour preuve, Edwige Diaz, alors porte-parole de la candidate devenue depuis nouvelle députée de la Gironde, intervenant en duplex pour LCI depuis les locaux du parti avec derrière elle, une affiche où l’on peut lire distinctement : «Le parti ne te doit rien, tu dois tout au parti» : la devise du très fasciste et très collaborationniste Parti populaire français de Jacques Doriot. Ou encore Louis Alliot qui nomme une place de Perpignan du nom d'un ancien responsable de l'OAS. Les exemples de ce genre sont floppée.
Il faut aussi évoquer l'immense service rendu par Zemmour et CNews-Bolloré pour décomplexer le discours d'extrême droite et donc recentrer le RN, devenu mécaniquement moins pire que le très pire Zemmour.
Pourtant, les fondamentaux restent les mêmes chez Le Pen et Zemmour, et quand 42 % des français votent pour Marine Le Pen à la présidentielle, il y a beaucoup de souci à se faire pour l'avenir de la France et de la République ! Le vrai danger est bien là.
Le « Marinisme » franchouillard, c'est la même politique que celle des amis de Marine Le Pen, les Orban, Trump, Salvini, des autres franquistes de Vox en Espagne ou les néofascistes Fratelli d'Italia, qui sont d'ailleurs donnés gagnants aux futures élections italiennes. Le Marinisme, c'est du facho-populisme financé par les réseaux de Poutine.
Et pourtant, que Macron serve la soupe et de marchepied aux marinistes n'inquiète pas Caroline Fourest, pour laquelle le vrai danger c'est la NUPES et LFI... Curieux aveuglement qui ne peut être que volontaire, pour celle qui connaît si bien l'extrême droite, son danger et ses obsessions récurrentes.
Je citerai pour terminer le président Faure, Edgar pas Olivier : « Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent ». Il est vrai qu'avec le temps, la « Cour du Prince » finit souvent par avoir bien des d'attraits, surtout quand on dirige le journal Franc Tireur, qui perd des lecteurs et de l'argent à grande vitesse.. Comme son ami le gyrovague Valls, Caroline Fourest a retourné sa veste…
Dommage, on t'aimait bien Caroline, mais ça c'était avant !
Michel Teychenné, le 22 Juillet 2022