Michel Teychenné, le nouveau député européen en marche vers de nouvelles perspectives électives ?
Certains le détestent. Avec férocité. De droite comme de gauche d'ailleurs, et plus encore depuis qu'à la faveur des récentes sénatoriales le minot, dont l'instituteur de cours préparatoire observait « Un peu indiscipliné mais brillant orateur », est devenu « mécaniquement » député européen. Suite à l'élection de Robert Navarro au Sénat, il devient parlementaire étoilé de la circonscription du Grand Sud-Ouest (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon).
La méchanceté des uns, l'ingratitude des autres, le parcours des politiques n'est pas celui de Disneyland. Cela étant, depuis un peu plus de quinze jours le portable de Michel Teychenné sonne davantage. Félicitations d'usage avec son lot d'hypocrisies souvent, d'obséquiosités et des témoignages sincères, parfois. Mais notre homme a de la praxis, il connaît la chanson, on va pas la lui faire.
Un parcours de militant
Point de départ initiatique, le 10 mai 1981, place de la Bastille est son Austerlitz. La France a alors l'odeur de la paille et du grain, bourdonnant d'abeilles et du rêve d'architectes inspirés. Militant aux Jeunesses socialistes, le Fuxéen de 24 ans a gravi les échelons comme on entre en compagnonnage. Observer, apprendre. Plus dur, apprendre à se taire et puis grandir. Avec Jospin. Comme assistant parlementaire pour commencer lorsque « Lionel » est député de Haute-Garonne et premier secrétaire du Parti socialiste de 1986 à 1988. « On n'est pas impunément le dir'de cab'de Jospin », confiait récemment le maire de Pamiers qui regarde avec un œil goguenard l'évolution « du jeune homme » dans le jeu de quille du PS local. Petite phrase en forme de grenade dégoupillée innocemment dans l'effroyable jardin des Bonrepaux, Nayrou et plus accessoirement Franco… Vient ensuite le poste de chargé de mission au cabinet du ministre d'État, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et des Sports. Même s'il a changé de visage, Michel Teychenné est toujours le même. Les cabinets ministériels et l'aréopage des jeunes énarques ne l'impressionnent pas outre mesure. Mine de rien, le petit Appaméen, avec son accent à couper au couteau ariégeois, va rapidement mettre les points sur les « I » de ses camarades parisiens. Si le look est un peu brut de décoffrage, la mécanique, elle, est de précision. Pas vraiment adepte de la langue de bois, son sens de la formule est redoutable et sa combativité en met plus d'un au tapis.
La tête dans les étoiles du drapeau européen
Question castagne, l'atypique Michel Teychenné est plutôt généreux dans la distribution des pains. En 1973, dans l'équipe de rugby du lycée agricole de Pamiers, il était à bonne école. Depuis, le gamin a tracé sa route et fait du chemin. La démarche pédagogique de l'enseignant universitaire, il n'a pas son pareil pour surfer sur les querelles claniques et repérer, en bon observateur de la nature… humaine, une niche électorale où déployer ses ambitions. Même si Michel Teychenné a gardé sa bouille de minot, le voilà désormais la tête dans les étoiles du drapeau européen pour un CDD de dix mois. Député européen aujourd'hui qui a voté « non » au dernier référendum, allant contre les consignes de Hollande, Michel Teychenné préfère au suivisme moutonnier l'éther des aigles solitaires ou la solitude de l'ours « Balou ». D'ailleurs, il y en a plus d'un qui aimerait bien le flinguer, politiquement s'entend.
Une certaine fidèlité à Ségolène
« Fraternité, fraternité » scanderait la télé-évangéliste du PS. Royal justement. On le sait, Michel Teychenné en pince pour Ségolène, celle qui prenait ses désirs d'avenir pour une réalité présidentielle et qui slame désormais au Zénith avec Trust faute d'avoir (pour l'instant ?) la confiance du PS.
D'aucuns prétendent que Teychenné aurait misé sur le mauvais cheval. Un comble pour celui qui élève des ânes et des chevaux auprès desquels il aime à se ressourcer. Mais le quinqua a déjà le regard ailleurs, vers VincentPeillon son « mentor » comme il l'appelle. Un tandem réformiste-progressiste autoproclamé qui s'attelle à désarçonner les vieux caciques ralliés comme un seul homme à la motion Delanoë. Dix mois donc pour s'affirmer enfin comme un leader incontournable sur l'échiquier ariégeois en étant, par le biais de ce mandat européen, le troisième parlementaire du grand sud et donc incontournable.
L'homme a déjà les qualités du tribun : orateur brillant, il faudra désormais qu'il fasse preuve d'autorité. Élu accessible, disponible pour ses administrés appaméens, surtout… S'il maîtrise à la perfection l'art de porter les traditions et d'incarner les passions locales, il lui faudra enfin personnifier le pouvoir en tant qu'élu local de territoire, développer ses fidélités clientélaires et ses réseaux partisans locaux. Mais l'adversité surtout dans son propre camp a du répondant, une intelligence politique et politicienne reconnue, un réseau en acier trempé et une influence hégémonique. On l'aura compris, la tâche sera des plus ardues, le combat s'annonce rude, plus dur que d'aller négocier à Bruxelles pour les agriculteurs. Il va falloir monter les crocs.
Ça tombe bien, il paraît que l'appétit vient en mangeant.
Source : La Dépêche du Midi, 20 octobre 2008. Un article de Xavier Olmos