"Il y a des gens étonnés de voir s’exprimer un sentiment de violence. Mais ce sentiment ne date pas d’aujourd’hui, ni même des récents faits. On a vu Pamiers et son centre-ville changer..." Bruno Lansalot est un des organisateurs du mouvement "Pamiers sans violence" né sous la forme d’une page sur un réseau social, à la suite des coups de feu récemment survenus dans sa brasserie du Castella, puis des violences commises quelques jours plus tard par un groupe au sein de la MJC voisine.
Deux faits divers sans lien entre eux, mais qui ont pris la forme d’une goutte d’eau faisant déborder un vase, celui du sentiment d’insécurité. Ce fameux ressenti constitué d’anecdotes, d’observations, d’expériences, parfois de rumeurs que personne ne vient démentir... et qui se retrouve toujours plus en décalage avec les statistiques enregistrées délivrées par les autorités. Qui va aujourd’hui se rendre au commissariat pour une insulte, un crachat, un mauvais regard, des gestes perçus comme menaçants ?
"On veut pouvoir circuler, vivre tranquillement dans notre ville, assure M. Lansalot. Non, Pamiers n’est pas Chicago ou Marseille, mais on ne veut pas que ça le devienne. Je vois les gens qui circulent la nuit, l’effet de bandes qui tournent, qui stagnent. Que certains actes soient liés au désoeuvrement, peut-être. Mais il y a aussi du trafic, et on le sait ! Je vois les grosses berlines immatriculées dans le 31, qui viennent ici la nuit. Mais la rue ne doit pas leur appartenir ! C’est ma ville, et ça me fait ch..."
La coupe est pleine pour ce commerçant installé depuis 26 ans dans la cité aux trois clochers, "un des derniers à être ouvert le soir". Elle est pleine aussi pour ces jeunes familles venues avec enfants au rassemblement, ces quelques personnes âgées, ces quinquagénaires qu’on imagine appaméens de longue date... Elle est pleine, et le risque est là qu’elle déborde : "notre action est totalement apolitique, précise un autre organisateur. Mais depuis qu’on a lancé le mouvement, on a entendu des discours très durs, et nous essayons de canaliser cette énergie qui n’est pas très positive. Canaliser ce mécontentement avant qu’un drame arrive, et qu’on soit obligés un jour d’organiser une marche blanche..."
La crainte d’un déchaînement de discours extrêmes, c’est aussi ce qui ressortait du communiqué émis par les dirigeants de la MJC quelques jours auparavant : "Nous récusons donc tout amalgame, toute stigmatisation et toute tentative de récupérations quelles qu’elles soient" - dirigeants absents du rendez-vous du 17 avril. Et c’est peut-être ce qui a empêché certains de sauter le pas et de rejoindre les dizaines de personnes rassemblées le 17 avril au soir.
Toujours est-il que le mouvement est pris au sérieux aussi bien par la police, qui s’est entretenue avec les organisateurs, que par les élus municipaux venus en nombre mercredi soir. Mais si elles reconnaissent toutes deux qu’il y a "un sentiment d’insécurité", majorité et minorité ont délivré des discours différents. Chef de file de l’opposition de gauche, Michel Teychenné considérait ainsi que "le centre-ville de Pamiers est sinistré, une économie souterraine s’y développe, avec des trafics qui se positionnent - ce n’est pas étonnant - près de la MJC, du lycée... Pamiers devient une plaque tournante pour ces trafics, de grosses berlines viennent de Toulouse alimenter le marché local. C’est une situation dangereuse pour tout le monde, pour les consommateurs, mais aussi pour les jeunes appaméens qui se trouvent embarqués dans ces trafics. Il faut renforcer les effectifs de police.
De son côté, le maire André Trigano aura entamé un long dialogue avec les organisateurs de "Pamiers sans violence", admettant que "oui, il y a des jeunes qui posent problème. Mais on ne peut pas remplacer tous les parents ! J’ai discuté avec certains jeunes qui ont fait des bêtises. Quand on leur demande pourquoi ils font ça, ils disent qu’ils s’ennuient. Alors on fait des choses, on leur propose un lieu, on met la piscine gratuite. Nous, élus, sommes là pour agir en prévention, lutter contre l’effet bandes, aider les jeunes à rester tranquilles. Je ne veux pas faire de Pamiers une ville de police". Et le premier magistrat d’en appeler à la responsabilité de chacun : "il faut aussi que les commerçants nous aident. Quand on leur montre des photos de personnes qui auraient pu commettre un fait, il faut avoir le courage de les reconnaître".
Des commerçants qui acquiescent, mais qui ne veulent pas non plus devoir être transformés en "délateurs" - eux réclament surtout davantage de visibilité des forces de police, quelles qu’elles soient, dans les rues. Et les organisateurs de "Pamiers sans violence" d’espérer la prochaine tenue d’une sorte de table ronde réunissant élus locaux, commerçants, associations et forces de l’ordre. Mais avant même de débattre des solutions, il faudra que tous s’accordent sur un même constat...
A. C.