homophobie école

Le ministre de l’Education nationale Vincent Peillon vous a missionné pour remettre un rapport sur l’homophobie, de quoi s’agit-il exactement?

Le rapport se situe dans la démarche globale du gouvernement qui a engagé un plan de lutte contre les LGBT (Lesbiens, Gays, Bi et Trans) phobies, dans le cadre de la mission interministérielle confiée à Najat Vallaud-Belkacem.

Najat Vallaud Belkacem a animé plusieurs réunions interministérielles sur le sujet avec trois axes pour l’éducation nationale qui ont été validés en Conseil des ministres :
- la mise en place d’un groupe de travail pour l’application de la circulaire de 2003 pour enfin mettre en place l’éducation sexuelle à l’école, circulaire qui n’était pas appliquée jusque là ;
- 2013 sera une année de mobilisation pour “l’égalité à l’école” associant l’ensemble des acteurs associatifs et des mouvements de jeunesse en soutien de la démarche.
- la création d’une mission qui m’a été confiée pour proposer les mesures concrètes à mettre en place à la rentrée 2013.

Votre mission ne va-t-elle pas faire doublon avec celle de la ministre des droits des femmes Najat Vallaud Belkacem (qui a elle-même présentée un plan sur le sujet) ?

C’est une déclinaison du plan d’action du gouvernement pour l’éducation nationale, une
mesure intégrée au plan de Najat Vallaud-Belkacem et souhaitée par Vincent Peillon !

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Que pensez-vous de la proposition de la ministre des droits des femmes de passer en revue les manuels scolaires?

Précisons tout de suite que ce n’est pas l’éducation nationale qui fait les manuels, ce sont les éditeurs. L’éducation nationale fait les programmes. Maintenant qu’il faille une réflexion sur ces programmes pour lutter contre toutes les discriminations racistes, sexistes ou homophobes me semble être une évidence..

Mettre en avant l’orientation sexuelle des personnages historiques? C’est une proposition qui est sur la table, elle est à discuter, il faut y réfléchir.

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L’école est-elle particulièrement touchée par l’homophobie?

Oui, car l’école reflète les discriminations de la société. Il y a quand même une problématique spécifique liée à l’adolescence et la jeunesse, si l’on regarde les statistiques du suicide, notamment. On s’aperçoit qu’un tiers des jeunes qui font des tentatives sont des filles et des garçons LGBT. La France est un pays où le taux de suicide est très élevé chez les jeunes, mais ce taux est encore plus élevé chez les jeunes LGBT, en particulier entre 12 et 25 ans. Aujourd’hui on peut estimer qu’il y a entre 6 et 12 fois plus de risques de suicide chez ces jeunes LGBT que chez les autres jeunes du même âge.

Cependant on manque d’études à grande échelle, et les amplitudes de chiffres, pour les estimations statistiques, varient du simple au double. Même la fourchette basse des ces estimation est déjà malheureusement très inquiétantes.

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Le suicide chez les jeunes LGBT : des statistiques inquiétantes

Selon les chiffres de l’Inter-LGBT, 8%1 des étudiant(e)s LGBT ont déjà effectué une tentative de suicide, contre 2,6%2 chez les étudiants en général.

La ligne Azur de Sida-Infoservice (08-10-20-30-40) s'adresse à tous ceux qui "réalisent que leur désir les porte vers des personnes du même sexe et qui n'arrivent pas à faire face à cette situation".

 


A quoi est-ce dû? À l’homophobie intériorisée ou vécue, à la pression sociale qui produit souvent du mal-être, des dépressions, des perturbations dans les études, un sentiment de solitude, une vraie difficulté à vivre sa différence.

Comment doit-on aborder cette question ?

Ce qu’il faut, c’est sortir les jeunes de leur isolement en sensibilisant les familles, les enseignants et la communauté éducative, par l’information et la formation. L’association de parents de jeunes LGBT Contact, par exemple, intervient dans les établissements. Cela peut aussi passer par de la sensibilisation au niveau des conseils d’établissement, des conseils de parents d’élèves, etc.

Il faut aussi une approche globale, lutter contre toutes les discriminations, les discriminations LGBT, mais aussi sexistes et racistes. Il faut construire “l’école du vivre ensemble”, c’est le rôle de l’école de la République.

Pour rédiger mon rapport, je vais travailler avec les associations, les personnels de l’éducation nationale, les syndicats, les parents d’élèves... Il y a bien sûr des expérimentations et des actions qui existent déjà sur le terrain. Il y a aujourd’hui une vraie prise de conscience des équipes éducatives. Je fais un point actuellement avec les recteurs pour faire remonter ces expériences de terrain, mais je ne peux pas commencer à dégager des pistes maintenant... Il faut d’abord en faire l’expertise.

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A partir de quel âge peut-on sensibiliser à ces questions?

C’est une vraie question. Le coeur du débat aujourd’hui, c’est le collège et le lycée, mais la question se pose de plus en plus en primaire pour l’accueil des enfants des familles homoparentales. Il y a donc aussi une réflexion qui doit être menée au niveau du primaire. La lutte contre toutes les discriminations doit se faire tout au long du parcours scolaire, avec bien sûr des approches différentes selon les âges.

La France a-t-elle du retard ?

Oui, et c’est assez criant quand on voit le niveau du débat actuel sur le mariage pour tous. Il suffit d’entendre Serge Dassault (chef d'entreprise dans l'industrie de l'armement et sénateur, qui alors qu'il était interrogé sur le projet de loi sur le mariage pour les couples homosexuels. a répondu "Regardez dans l'histoire, la Grèce, c'est une des raisons de sa décadence, à l'époque"). Imaginez un jeune qui s’interroge sur sa sexualité et entend cela ! On peut avoir un avis différent et je le comprends tout à fait, mais dans la formulation, le respect de l’autre....On arrive là à des propos admissibles... Et il n’est malheureusement pas le seul ! Bien sûr, ces personnes-là ne se revendiquent pas comme homophobes, mais j’ai pour le moins des interrogations...

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Quant au gouvernement précédent il n’y avait tout simplement pas de politique en matière de discriminations LGBT. La seule chose qui avait été faite concernait la ligne Azur, (créée en 1997, sous Jospin, c’est une ligne d’écoutes destinée aux personnes qui souffrent d’un malaise lié à leur sexualité LGBT, ndlr), une campagne d'affichage a été mise en place (de mi-avril à fin juin 2010 dans les lycées et les collèges, ndlr) mais cette campagne a été peu reprise et relayée (selon un bilan dressé par le Collectif éducation contre les LGBTphobies en milieu scolaire seule la moité des établissements dit avoir reçu le matériel de cette campagne, c'est-à-dire les affiches, les cartes mémo et les brochures informatives, et 41% des affiches ont été punaisées dans les infirmeries).

Au Québec, en Belgique, en Finlande, il y a des expériences intéressantes, qui ne sont pas forcément transposables mais dont il faudra s’inspirer.

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L’Europe, un train d’avance sur la France

“A noter que l’Europe a été motrice pour ces questions : de nombreuses avancées sont venues du Parlement européen, notamment la transcription dans le droit du travail français de mesures anti-dicriminations initiées à Bruxelles”, fait remarquer Michel Teychenné. C’est aussi à la suite d’une décision de la Cour européenne, le 22 octobre 1981, que François Mitterand a dépénalisé l’homosexualité. Cette décision de la Cour européenne condamnait pour la première fois un État européen – le Royaume-Uni – pour criminalisation de l'homosexualité. Une proposition de loi est présentée en France en décembre 1981, et la loi est votée en août 1882, supprimant ainsi définitivement cet alinéa du Code pénal qui stipulait que “quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu mineur du même sexe” serait puni.

 

Pourquoi avez-vous choisi de vous impliquer dans la lutte contre les discriminations envers les LGBT?

Je suis gay et je l’assume depuis longtemps. Quand le PS a pris ses premières mesures anti-dicriminations il y a 30 ans je me suis sentie concerné, cela a motivé mon engagement militant. J’ai une expérience de la vie avec quelques cicatrices comme beaucoup de gays de ma génération. J’ai une experience d’universitaire et de parlementaire européen, d’élu local. Je pense aujourd’hui que cela peut être utile pour proposer à Vincent Peillon des mesures et des actions concrètes pour faire enfin faire évoluer les choses.

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