Il y a quelques années, il valait mieux cacher son homosexualité quand on désirait adopter un enfant. La justice vient de rappeler que l’orientation sexuelle ne peut pas, par principe, être un obstacle. Cette fois, elle l’a signifié à un homme de gauche : le président socialiste du conseil général de l’Ariège. Augustin Bonrepaux avait invoqué le «principe de précaution» pour refuser l’agrément à un candidat à l’adoption, en couple avec un homme depuis vingt ans.
«Carte sur table». Il y a cinq ans, Pierre, la quarantaine, entame une démarche d’adoption. C’est une décision mûrie à deux, avec son compagnon. Pierre s’engage à titre individuel, comme la loi l’y autorise (l’adoption à deux est réservée aux hétérosexuels mariés). Mais le couple veut une démarche de «transparence». «On a joué franc jeu, mis carte sur table», dit Pierre. Le psychologue et l’assistante sociale chargés de leur évaluation prennent en compte leur vie de couple. Tous deux rendent un avis «favorable». «L’homosexualité du couple parental sera une différence supplémentaire pour l’enfant. Le fait que le requérant ait fait sa demande dans la clarté de sa situation nous permet de penser qu’il saura répondre aux questions de l’enfant en toute honnêteté et simplicité, facteur important pour sa construction psychique», constate l’assistante sociale. Le psychologue se montre attentif à un projet d’adoption qui «apparaît réfléchi [...] ; il ne s’agit pas, par exemple, d’une revendication», et apprécie que le couple «montre des capacités d’invention et d’adaptation». Augustin Bonrepaux n’a pas été convaincu. Il craint que l’enfant ne grandisse dans «un milieu familial indifférencié, sans repères quant au rôle de chaque membre du foyer» et s’abrite derrière «le principe de précaution». Le tribunal administratif de Toulouse a balayé ses réticences. Il a annulé le refus de l’élu fondé sur une «inexacte application» du droit. Désormais, Pierre devrait pouvoir obtenir son agrément.
«Modification». L’affaire, que Pierre et son compagnon ne voulaient pas médiatiser, fait d’autant plus mauvais effet qu’il implique une personnalité politique de gauche, alors que le PS s’est déclaré officiellement favorable à l’homoparentalité. «La société est prête à accepter que des couples homosexuels adoptent des enfants. La loi doit être modifiée», déclarait à l’automne le député socialiste Patrick Bloche.La dernière histoire, devenue emblématique des droits des homos, se passait dans le Jura, présidé par un élu de droite, qui avait refusé l’agrément à Emmanuelle B., une lesbienne, à cause de son orientation sexuelle.
Cela avait valu une condamnation de la France pour discrimination à la Cour européenne des droits de l’homme.Les juges avaient estimé que la candidate avait fait l’objet «d’une différence de traitement» basée sur sa sexualité. Selon eux, la France avait porté «atteinte au droit de mener une vie privée et familiale».
Le 10 novembre, le tribunal administratif de Besançon avait rappelé le conseil général du Jura à l’ordre en l’enjoignant d’accorder son agrément à Emmanuelle B. dans les quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Une manière de décourager les élus hostiles à l’homoparentalité. Emmanuelle B., en couple depuis vingt ans et qui s’est battue pendant dix ans pour avoir le droit d’adopter, a finalement obtenu son agrément le 20 novembre.
LIBÉRATION (Charlotte Rotman) --- LE 3 FÉVRIER 2010