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Michel Teychenné, ancien député européen, a été membre de l’intergroupe sur les droits LGBT en Europe.
Vous avez remis au ministre de l’éducation nationale, en juillet, votre rapport sur l’homophobie à l’école. Est-ce le premier état des lieux sur le sujet ?
C’est en effet le premier travail sur l’homophobie en milieu scolaire en France. On est relativement en retard par rapport à d’autres pays, comme la Suède ou la Belgique, où les statistiques sont établies. Il m’a fallu collecter ce qui était jusqu’à présent épars, des études émanant d’associations, de chercheurs... Il n’y avait pas de données centralisées sur les actions de lutte contre les discriminations LGBT-phobes - à l’encontre des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels.
Pourquoi ce retard ?
L’homosexualité, l’homophobie, restent des tabous dans le monde de l’éducation. Le collège étant la période où l’on découvre sa sexualité, l’adolescent homosexuel, bisexuel ou transsexuel a tendance à intérioriser ce qu’il commence à percevoir comme une différence. On est loin du coming-out qui s’effectue vers 20 ans. Du côté des adultes, la formation pour aborder ces problématiques reste insuffisante. La volonté politique de s’emparer des discriminations et des violences homophobes a fait défaut. J’ai constaté, à partir d’une enquête menée auprès des rectorats, que ceux-ci sont peu mobilisés. Seuls deux - sur les vingt-cinq ayant répondu à l’enquête - mentionnent la lutte contre les discriminations LGBT dans leur projet académique. Neuf académies ont un personnel partiellement chargé de ces problématiques. Trois ont agréé des associations spécialisées, et trois autres travaillent de façon informelle avec des associations locales. Selon un autre sondage, réalisé par le ministère de l’éducation nationale, 86% des chefs d’établissement n’ont pas prévu d’actions pour la lutte contre l’homophobie.
Sait-on combien d’élèves sont victimes de discriminations LGBT-phobes ?
Jusqu’à présent, les violences homophobes n’étaient pas même recensées dans les enquêtes de victimation. Ce sur quoi associations et chercheurs s’accordent, c’est qu’au moins 730 000 élèves - environ 6% des effectifs - sont ou seront potentiellement concernés durant leur scolarité. La majorité sont invisibles ; ils taisent aussi bien leur orientation sexuelle que les brimades dont ils sont les victimes, ce qui explique la sous-évaluation constante du phénomène à l’école.
Le débat sur le mariage pour tous a-t-il eu une influence sur les comportements à l’école ?
Comment s’étonner de retombées dans les établissements, alors qu’il y a eu tant de paroles violentes prononcées ! L’acceptation de la différence dans notre société augmente, mais il reste une proportion de personnes qui réfutent l’égalité. Deux types d’enfants ou d’adolescents peuvent être concernés par cette problématique amenée à prendre de l’ampleur avec la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe : les enfants vivant dans des couples homosexuels, estimés, a minima, entre 10 000 et 40 000, et les enfants ayant un parent homosexuel et vivant dans des familles hétérosexuelles recomposées.
Les conséquences de l’homophobie sur la scolarité sont-elles connues ?
Les effets des insultes, du harcèlement dont les élèves sont la cible, parfois des coups subis, sont variables. Chez 16% des victimes on évoque une baisse des notes. Le sentiment de marginalisation et de mise à l'écart peut conduire non seulement à une chute des résultats, mais aussi à la démotivation,à l'absentéisme, au décrochage...
Quelles sont vos recommandations ?
Former les personnels dans le cadre des écoles supérieures du professorat et de l’éducation est une première réponse. Appliquer, aussi, ce qui existe déjà en théorie : les trois séances par an d’information à la sexualité, qui doivent être dispensées aux élèves et qui ne doivent pas se limiter à une information sur la contraception ou la prévention des maladies sexuellement transmissibles. Intégrer la lutte contre les discriminations dans les futurs programmes de l’enseignement moral et civique prévu par le ministre me semble être une bonne chose. Pour le reste, c’est aux enseignants de prendre des initiatives, d’évoquer ces sujets en fonction du contexte, des questions des élèves et de leurs cours.
(La lettre de l'éducation du 2 septenbre 2013)