“Sale PD”: voici l’insulte préférée des jeunes français dans la cour de l’école. Alors qu’au Royaume-Uni ou en Finlande, des programmes ont été mis en place pour lutter dans les établissements contre les insultes et discriminations envers les jeunes gays, la France est en retard, et cherche à le combler. Pour la première fois, un rapport d’envergure nationale, remis ce jeudi 11 juillet au ministre de l’Education et que Le HuffPost s’est procuré, dresse un état des lieux et établit des recommandations en la matière. Le ministre de l’Education, Vincent Peillon, a annoncé dans la foulée de prochaines mesures notamment de formation des enseignants et personnels de l’éducation, ainsi qu’une meilleure sensibilisation des élèves.

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L’homophobie est devenue un délit, mais ses conséquences ont longtemps été ignorées ou minimisées dans le système scolaire. (...) Il faut maintenant que l’école joue pleinement son rôle d’Ecole de la République, d’Ecole de l’apprentissage du respect et du vivre-ensemble, en luttant contre toutes les discriminations LGBT (Lesbiennes Gays Bi et Trans, ndlr)”, écrit en conclusion de ce rapport Michel Teychenné, son auteur, un élu chargé des questions concernant les personnes LGBT dans la campagne de François Hollande.

 

LE CONSTAT : DES JEUNES HOMOS HARCELÉS

“Dès l’école primaire, les insultes homophobes sont malheureusement trop courantes, trop banalisées, alors que les insultes racistes, antisémites ou sexistes son condamnées et sanctionnées par la communauté éducative”, relève le rapport. "PD est l'insulte en tête du hit-parade dans les cours de récréations", relevait lors d’une colloque sur le sujet Sébastien Sihr, secrétaire général du syndicat SNUI-PP, majoritaire dans le primaire.

Or les discriminations, insultes, menaces, et harcèlements à l’égard des jeunes gays et lesbiennes, ou considérés comme gays et lesbiennes par leurs camarades, ont des effets néfastes tant sur leurs résultats scolaires que sur leur développement personnel, qui peuvent aller jusqu’au suicide. Sur 12,1 millions d’élèves, 730.000 jeunes sont potentiellement concernés, souligne le rapport. Les jeunes adultes et adolescents LGBT ont “2 à 7 fois plus de risques d’effectuer une tentative de suicide au cours de leur vie que les populations hétérosexuelles”, souligne dans ce rapport François Beck, responsable du département enquêtes et analyses statistiques de l’INPES ( Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé).

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FORMER LES ENSEIGNANTS ET LE PERSONNEL

Et pour ce faire, le rapport “Discriminations LGBT -phobes à l’école, état des lieux et recommandations” avance plusieurs pistes, tout d’abord dans la formation des personnels de l’éducation. Il recommande de former tous ces personnels, de l’infirmière au CPE en passant par les surveillants et bien sûr les enseignants, aux discriminations homophobes et transphobes. Aujourd’hui, il n’existe par exemple aucune formation à ce sujet dans l’apprentissage initial des enseignants.

Sans oublier les chefs d’établissements, qui semblent peu sensibilisés aux discriminations homophobes, selon des chiffres d’une enquête inédite qui doit être publiée prochainement par le bureau de suivi statistique du ministère de l’éducation: seuls 12% d’entre eux considèrent l’homophobie comme un problème moyen ou important, et 86% n’ont pas prévu d’action spécifique sur le sujet. Le rapport souligne le rôle “central” du chef d’établissement et souligne que “sans son engagement personnel, sa motivation, rien n’est possible”. Il recommande donc de renforcer leur sensibilisation au sujet au sein des “ESEN”, les école supérieure de l'éducation nationale chargés de former les personnels administratifs.

Pour que les outils soient accessibles à tous, le rapport recommande de créer un site Internet à destination des enseignants et équipes éducatives comprenant des ressources, et de diffuser un “kit de sensibilisation” avec des brochures et des affiches aux personnels.

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SENSIBILISER LES ELEVES

Concernant les élèves, le rapport recommande tout d’abord d’assurer un meilleur suivi, via la mise en place d’une “équipe sentinelle” composée d’un enseignant volontaire, d’un CPE, et de “l’infirmière ou infirmier formé à cet effet”. Cette équipe serait notamment en charge de créer un réseau d’élèves lanceurs d’alertes, qui pourraient repérer qui parmi leurs camarades souffre, et servirait de référent aux parents.

Mieux suivre et repérer les élèves en souffrance, et aussi mieux sensibiliser tous les élèves à ce problème, pour éviter les phénomènes de harcèlement. Seulement 2,6% des élèves du premier et second degré ont bénéficié en 2011-2012 d’une intervention en milieu scolaire consacrée aux discriminations à l’égard des homosexuels ou transsexuels.

Le rapport conseille donc de renforcer cette sensibilisation, en se concentrant en priorité sur le collège, moment “d’une grande fragilisation des jeunes” et lieu où se fait “la prise de conscience de sa différence et la découverte de son homosexualité”, selon le rapport. Le primaire ne devrait toutefois pas être exclu de l’action gouvernementale, si l’on en croit des propos du ministre rapportés par plusieurs sources. Interpellé ce jeudi 11 juillet par des associations présentes lors de la remise du rapport, Vincent Peillon aurait en effet déclaré être conscient du problème et il aurait alors donné son accord de principe, mais les modalités concrètes doivent être encore discutées.

Enfin, faut-il intégrer un tel enseignement dans les programmes de chaque discipline, avec des exemples précis? A cette question, Michel Teychenné répond par la négative, souhaitant vouloir laisser aux enseignants “leur liberté” d’enseigner”. Le rapport préconise toutefois d’introduire la notion, avec un enseignement sur toutes les discriminations, dans le cours de “morale laïque” annoncé en avril dernier par Vincent Peillon, et qui doit être mis en place dès la rentrée 2015.

LES 3 AXES DE VINCENT PEILLON

“L’homophobie, qui contredit le droit à l’éducation de tous, le droit à la protection contre toutes les formes de violence, qui conduit souvent à une détresse psychologique qui mène jusqu’au suicide, ne doit plus être banalisée”, a souligné Vincent Peillon dans un communiqué issu après la remise du rapport. Le ministre a annoncé trois axes principaux: la formation initiale et continue de tous les personnels, y compris ceux d’encadrement et d’inspection; l’éducation à la sexualité, à la vie affective et à la construction de son identité; et la prise en charge, le suivi, l’accompagnement de la souffrance et de la douleur dues aux discriminations, selon un témoin de la réunion de remise du rapport, qui était reservée aux partenaires de l’éducation nationale sur ce sujet.

Le ministre a insisté pour que soient prises en compte les discriminations homophobes et transphobes “au même titre que les autres discriminations”. Des mesures de “sensibilisation et un travail pédagogique” “adaptés à l’âge des élèves” doivent être mises en place, selon le communiqué du ministère, ainsi que des actions de “prévention” menées par “l’ensemble de la communauté éducative”.

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A SUIVRE....

Le rapport a été qualifié d’”ambitieux” et d’”avancée importante” par les syndicats de l’éducation et les associations spécialistes du sujet, qui attendent néanmoins de voir ces recommandations se concrétiser. “Après quelques timides initiatives des ministres de l’Éducation nationale précédents, la France va peut-être enfin se donner les moyens de redorer son image de « pays des droits humains”, a estimé dans un communiqué le Collectif éducation contre les LGBTphobies en milieu scolaire, qui regroupe plusieurs syndicats (FCPE, Ferc-CGT, Sgen-CFDT, FSU, UNSA Éducation, UNEF, UNL et FIDL). “C’est un texte très ambitieux et si on met en place tout ce qu’il recommande, la société changera vraiment”, estime Natacha Taurisson, sa coordinatrice, contactée par Le HuffPost.

Même son de cloche du côté de SOS homophobie, qui salue une “avancée importante”. “Le gouvernement fait un vrai travail de fond sur le long terme, un vrai travail de construction et c’est un véritable espoir pour les associations”, estime Sylvie Gras de SOS homophobie, qui note cependant qu’il faudra “voir et suivre comment cela va être mis en place”.

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LE JOURNAL DU 11 JUILLET 2013

Emmanuel LANGLOIS de France Info

L’homophobie toujours très forte en milieu scolaire, il y a au moins cinq fois plus de suicides parmi les jeunes lycéens homosexuels que parmi les autres élèves. Le député Michel TEYCHENNE vient ainsi de rendre un rapport sur le sujet au ministre de l’Education, Vincent PEILLON. Ecoutons-le.

Michel TEYCHENNE

On constate malheureusement beaucoup cas de suicide chez les jeunes homosexuels, entre cinq et dix fois plus que chez les autres jeunes et la raison principale qui est identifiée par les scientifiques c’est le harcèlement, c’est la perte d’estime de soi, c’est la peur du regard des autres. Et donc ce problème-là est un véritable drame humain qu’il faut aborder et pour cela il faut que l’école aborde ce problème éducatif de face. Il y a eu l’implantation de la ligne Azur qui est une ligne d’écoute et qui fonctionne dans le cadre d’une campagne mais on se rend compte aujourd’hui et ça a été le travail de mon rapport, qu’il y a une sous-évaluation de ces problèmes-là, de ces incidents dans les établissements et qu' on à besoin de sensibiliser la communauté éducative, les enseignants mais aussi l’ensemble des personnels dans les établissements à ces problématiques et c’est d’ailleurs une des propositions que je fais, sensibiliser la communauté éducative aux problèmes de l’homophobie.